Discussion de la mobilisation d’une méthode d’analyse socio-économique à travers KerAlarm à trois études de cas

 

Des dimensions différentes de la qualité de la connaissance ont été abordées dans les trois études de cas. Ainsi, les connaissances portant sur les changements de la biodiversité en Île-de-France se caractérisent par une grande richesse. Dans le même temps, en ce qui concerne l’assurance de la qualité de la connaissance pour la gouvernance, on peut observer :

un aspect substantif lié à la qualité des données produites par les associations de naturalistes, selon une grande diversité d’objectifs et des méthodes de collecte non-standardisées ;

un aspect substantif lié à une faible production d’informations sur les Impacts des activités humaines sur la biodiversité, dans un contexte où la plupart des connaissances concernent l’État de la biodiversité ;

un aspect substantif lié à l’absence de connaissances sur certains niveaux de la biodiversité ;

un aspect contextuel lié à l’absence de cohérence des descriptions de la biodiversité à des échelles d’espace différentes (site, département, région) ;

un aspect contextuel lié à la très faible compréhension qu’on a aujourd’hui de l’évolution de la biodiversité dans le temps (au passé) et à l’impossibilité de modéliser ses évolutions futures au niveau régional ;

un aspect contextuel lié au découplage entre les enjeux de la gouvernance et la production des informations sur la biodiversité (« pourquoi » observe-t-on la biodiversité ?) ;

un aspect procédural lié à l’absence de structuration de l’information existante (des initiatives de recensement des connaissances existantes et de production d’une base d’indicateurs sont en cours) ;

un aspect procédural lié à l’usage de la connaissance en tant que ressource stratégique pour les interactions entre les acteurs, qui limite l’accès aux informations et la transparence sur les méthodes employées ;

un aspect procédural lié à la représentativité des acteurs dans le « réseau régional de la biodiversité », notamment à la faible participation des chercheurs, qui possèdent néanmoins des quantités de connaissances pertinentes pour la gouvernance.

 

Pour notre deuxième étude de cas, celui des risques de l’insecticide Gaucho® sur les abeilles, on peut remarquer tout d’abord la robustesse des connaissances scientifiques sur les risques de l’insecticide Gaucho® sur les abeilles (bonne qualité des connaissances scientifiques, bien structurées et synthétisées dans le rapport du CST). On observe par contre plusieurs aspects de faiblesse de la qualité de la connaissance pour la gouvernance :

un aspect substantif lié au manque de structuration et de robustesse scientifique des connaissances portant sur les interactions entre le Gaucho® et d’autres facteurs qui ont une influence sur les colonies d’abeilles ;

un aspect procédural lié à la création discursive de l’incertitude par les acteurs, dans le débat ;

un aspect procédural lié aux tendances hégémoniques de certains acteurs à contrôler les sources de production de la connaissance et les utilisations de la connaissance existante ;

un aspect procédural lié au manque d’opportunités d’échange d’informations, dans un contexte fortement marqué par l’absence de confiance entre les acteurs.

 

Enfin, pour le cas des effets des produits chimiques sur la biodiversité en Europe, on peut observer :

un aspect substantif lié aux vocabulaires différents utilisés dans les sciences sociales et les sciences de la vie ;

un aspect contextuel lié à l’absence de cohérence des descriptions des effets pour la biodiversité à des échelles d’espace différentes (site, nation, continent) ;

un aspect contextuel lié à la faible compréhension qu’on a aujourd’hui de l’évolution des risques chimiques pour la biodiversité dans le temps (au passé) et à l’impossibilité de modéliser ses évolutions futures au niveau continental ;

un aspect contextuel lié au découplage entre les enjeux de la gouvernance et la production des informations sur la biodiversité (« pourquoi » essaye-t-on d’identifier les risques chimiques pour la biodiversité ?) ;

des aspects procéduraux liés à l’absence de synthèse, d’accessibilité et de structuration des informations scientifiques disponibles ;

un aspect procédural lié au conflit entre les acteurs producteurs de connaissances (entreprises, scientifiques, associations, gouvernements, Commission Européenne…) ;

un aspect procédural lié à la transparence et au partage des connaissances déjà existantes dans le domaine privé, chez les producteurs ;

un aspect procédural lié aux dépendances financière et institutionnelle des fournisseurs de connaissances (e.g., chercheurs travaillant dans les entreprises productrices de substances) sur les effets des produits chimiques sur le vivant ;

un aspect procédural lié à la disponibilité des ressources financières et humaines pour le contrôle de la qualité substantive de la connaissance ;

un aspect procédural lié à l’absence de ponts entre les modes de production de la connaissance à l’intérieur du monde scientifique et les demandes d’information pour la gouvernance.

 

La conclusion que nous pouvons tirer est que la logique en termes de dimensions substantive, contextuelle et procédurale s’avère très pertinente, en termes heuristiques, pour identifier et rendre clairs les aspects à aborder pour l’assurance de la qualité de la connaissance.

Sa flexibilité pour l’application à des études de cas différentes démontre son caractère générique et le potentiel qu’elle présente pour usage dans le traitement des problèmes « post-normaux ».

 

Dans les grains en prolongation, nous discutons les modalités selon lesquelles l’outil KerAlarm mobilise cette méthode pour aborder les dimensions de la qualité de la connaissance signalées ici et les enseignements tirés.